Le dialogue inclusif principe constituant de la République et de la Démocratie.
Exclusion sociale, politique et économique, contrôle de la société par le pouvoir politique, coup d’Etat constitutionnel, révolte populaire, coup d’Etat militaire, demande de dialogue inclusif par des parties en conflit dont l’exclusion de l’adversaire constitue pourtant la maxime suprême comme on le voit en ce moment au Burkina Faso, négociations interminables, trêves précaires rompues par l’affrontement de positions inconciliables, impossible réconciliation politique ou réconciliation factice entre des parties en conflit qui se considèrent comme des ennemis et des rivaux et non pas comme des adversaires politiques et des partenaires poursuivant un but commun d’émancipation collective par des chemins différents et divergents.
Le problème burkinabè est analogue au problème malien, sud-soudanais centrafricain, libyen, congolais, somalien, ivoirien de 2000 à 2010. C’est un problème africain et c’est aussi, dans le monde, le problème des sociétés que ne cimente pas le sentiment d’un bien commun et d’une appartenance commune. C’est le problème de la division intérieure et de l’impossible unité. C’est le problème de l’exclusion politique qui provient de l’incapacité d’une frange importante des élites politiques d’Afrique à se réapproprier l’esprit d’alliance, pierre angulaire de la République. C’est le problème du refus de l’esprit de la société démocratique définie comme un espace de contradictions, de confrontations, d’affrontements entre positions et intérêts divergents où les conflits se résolvent institutionnellement à travers le compromis qui prend en compte toutes les parties et leurs intérêts divergents.
Les valeurs constituantes de la République et de la démocratie et éminemment le principe d’inclusion qui en est loi architectonique, sont violés en Afrique partout où surgissent les guerres politiques et militaires générées par la culture de l’exclusion. Sur ce continent, le problème de l’exclusion politique économique et sociale résulte de l’incapacité d’une grande partie des acteurs politiques à se réapproprier le principe politique d’inclusion. Or l’inclusion est, en République, la raison d’être de la Loi. En démocratie le principe d’inclusion structure le dialogue social défini comme discussion et confrontation de positions et de points de vue divergents.
Qu’est-ce en effet que la République au sens romain du terme, sens qui a présidé à la formation de nos républiques africaines héritées de la colonisation ? La République c’est la chose publique, l’espace intermédiaire de vie commune qui naît de l’alliance entre des factions autrefois ennemies. C’est la cité nouvelle formée par ces factions désormais réconciliées par de nouvelles lois qui ont crée entre elles un lien durable en prenant en compte toutes les parties et leurs intérêts.
Qu’est-ce en effet que la cité démocratique qui naquit des réformes de Clisthène, le père de la démocratie athénienne, modèle dont s’inspirent les démocraties modernes du monde et aussi les nôtres en Afrique ? La cité démocratique représentée relativement aux reformes de Clisthène, c’est la communauté politique (demos) créée par le regroupement de gens divers venus d’ailleurs. C’est la Cité composite qui nait de cette rencontre et qui est par cela même reliée par une nouvelle forme de solidarité civique qui transcende la solidarité naturelle unissant les membres d’une même famille. L’essence de l’ordre démocratique, comme souligne Pierre Rosanvallon c’est l’organisation délibérée d’une vie commune entre des gens différents qui se sont fondus dans un même corps civique, union politique nouvelle que définit la notion de citoyenneté.
Ainsi, la République et la Démocratie organisent l’unité civique d’une pluralité de peuples venus d’ailleurs grâce à des lois dont l’essence est d’organiser et de régir la vie commune en prenant en compte la totalité des parties et de leurs intérêts. Au commencement de l’ordre démocratique et républicain est l’inclusion politique. C’est la Loi Fondamentale qui constitue la cité au sens républicain et démocratique du terme. La Constitution est chargée de l’exprimer en ses divers articles. Les lois de la République et de la démocratie sont par essence inclusives.
En Côte d’Ivoire, la manipulation de la Loi fondamentale, qui fut engagée pour exclure un adversaire politique et en conséquence la partie de la nation dont il était le représentant politique, violait le principe républicain et démocratique d’inclusion. Au Burkina Faso, le processus d’exclusion qui fut engagé, contre vents et marées, pour manipuler la Loi fondamentale afin de proroger indûment un mandat présidentiel en excluant de facto d’autres parties de l’échiquier politique violait le principe d’inclusion. Mais la nouvelle législation qui excluait les parties s’étant rendues coupables de cette violation ou qui avaient soutenu l’imposture violait tout autant le principe d’inclusion.
On note que le principe d’inclusion démocratique qui appelle le compromis rationnel équilibré est, au terme de la médiation des Présidents de la République du Sénégal et du Benin, Macky Sall et Yayi Bonny, refusé de manière caractéristique par les deux parties burkinabées comme il l’est par les protagonistes du conflit malien et de tous les conflits politiques et militaires africains.
Le dialogue politique africain est obéré par la culture de l’exclusion politique qui empêche les protagonistes d’engager des discussions rationnelles conduisant à des compromis équilibrés. Au Burkina Faso, dont les hauts magistrats du CDP furent pourtant, durant de longues années, médiateurs dans les crises politiques africaines, les responsables de ce parti rejettent la solution de compromis rationnel qui préconise que Michel Kafando reprenne la direction du gouvernement de transition. De même, les dirigeants des partis d’opposition au gouvernement de Blaise Compaoré et le porte parole du Balai citoyen rejettent la solution de compromis préconisant l’inclusion du CDP dans le processus électoral de la Présidentielle. Si le rejet de la proposition d’amnistie des auteurs du putsch est juridiquement et politiquement justifié, l’exclusion du CDP de la compétition électorale présidentielle ne saurait l’être ni politiquement ni juridiquement. La reforme du code électoral qui légitime cette exclusion peut-être mise en question comme est contestable la manipulation de la Constitution qui visait à proroger indûment l’éligibilité de Blaise Compaoré à la présidence de la République. Au Burkina Faso, le dialogue inclusif fut donc demandé par les parties en conflit et engagé dans l’esprit de l’exclusion et de l’annihilation de l’adversaire politique.
Quelles sont alors au Burkina Faso et ailleurs en Afrique les conditions de possibilité d’un dialogue inclusif qui réussisse à relier les parties divisées du corps social et à établir à nouveau des liens durables entre les protagonistes des conflits politiques? (A suivre)
<>