La démocratie est en Afrique, malgré des avancées remarquables, globalement menacée par sa dérive autocratique et partitocratique. Couvertes par le manteau de la légalité, diverses formes d’accaparement du pouvoir tendent de plus en plus à vider la démocratie de sa substance. Ici, un autocrate organise un référendum pour couvrir une prorogation indue de son mandat après avoir manipulé la constitution pour donner une forme légale à son action d’accaparement du pouvoir. Là, une caste de politiciens détenant de fait le monopole du système politique se dispute le pouvoir et se le transmet dynastiquement sous la couverture de la libre compétition démocratique. Ailleurs, des partis dominants se partagent alternativement le pouvoir dans un schéma partitocratique. Arguant de leur statut de mandataires du peuple, bon nombre d’élus africains se font les dépositaires de son pouvoir. Concevant ethniquement ou confessionnellement le peuple démocratique, estimant de ce fait incarner politiquement ce peuple et en être les représentants, ils s’approprient sa souveraineté. Cette logique d’accaparement transforme la compétition démocratique en lutte personnifiée pour la main-mise sur le pouvoir. Elle réduit l’exercice du pouvoir démocratique aux stratégies d’appareil qui assurent son appropriation partisane ou personnelle.
Le fléau des accaparements légaux du pouvoir pose donc, dans la démocratie africaine, la question de la légitimité des appropriations politiques du pouvoir. Ces appropriations sont-elles conformes à l’esprit de la démocratie ? Si le pouvoir est en démocratie la propriété du peuple, l’est-il pour autant de ses mandataires et de ses représentants ? La définition de la démocratie comme pouvoir du peuple n’interdit-elle pas au contraire toutes les formes d’appropriations personnelles et factionnelles du pouvoir ?