Dans une démocratie pluraliste, l’opposition doit être constructive. Elle est l’arc-boutant du gouvernement dans l’architectonique du régime de la souveraineté du peuple. Au programme du gouvernement, elle doit opposer un programme inclusif alternatif et concurrentiel d’intégration nationale.
La problématique de l’affrontement politique, dans toutes les démocraties pluralistes du monde, est de résoudre par des offres partisanes idoines les questions d’unité nationale, d’articulation entre la liberté et l'égalité, de production et de redistribution de la richesse nationale, de justice et de solidarité sociales
Dans les jeunes démocraties des Etats post-coloniaux en développement, l’exigence d’opposition et de participation constructive est rendue impérative par la nécessité de mettre le pouvoir politique au service de la société, de le limiter par les droits fondamentaux de la personne et des collectivités. Elle est portée à incandescence par l’exigence de construire l’unité politique de la diversité des peuples du territoire, de bâtir la nation, de réaliser les conditions politiques et sociales du développement endogène.
En ces Etats multiethniques en voie de construction nationale, cette synergie nécessaire entre gouvernement et opposition se transforme en urgence vitale dans le cadre historique de la globalisation économique qui tend à provoquer une fermeture défensive des identités culturelles sur elles-mêmes.
Il se trouve que, dans ce cadre structurel problématique, certaines formations politiques ivoiriennes telles le PDCI de Henri Konan Bédié, le FPI de Laurent Gbagbo, auxquelles vient de se joindre récemment le RACI de Soro Guillaume, ont choisi, depuis les années 1990, de diviser la cité en manipulant les identités ethniques du territoire afin d’en faire des armes dans la conquête du pouvoir. Motivés par des objectifs d’intérêts particuliers personnels, ils ont délibérément choisi de se dresser contre le nécessaire programme de construction nationale.
Le discours et le programme identitaire du PDCI, du FPI et du RACI ne sont guère une offre politique répondant à une demande de résistance de certaines populations ivoiriennes contre les effets sociaux des forces dominantes du marché, telle qu’on le voit par exemple chez les indiens d’Amazonie au Brésil. Cette revendication d’identité ne vient pas de la masse de la population ivoirienne. Elle émane d’une partie de la représentation partisane qui a rompu les amarres avec la société et s’est mise à son propre service.
L’ethno-nationalisme du PDCI, du FPI, du RACI et de leurs intelligentsias organiques respectives camoufle les revendications catégorielles de pouvoir et de privilège de dirigeants partisans qui entendent capturer, au détriment du peuple, l’Etat pour le mettre au service de leurs intérêts particuliers.
Loin d’être démocratique, cette revendication identitaire est autocratique et socialement dévastatrice. Elle attaque les intérêts sociaux du peuple et met en danger la cohésion et l’unité politique de la cité.
Une relation patente de causalité existe entre le discours et les praxis identitaires des chefs du PDCI, du FPI et du RACI et les récents affrontements intercommunautaires de Zouan Hounien durant la période des élections municipales d’Octobre 2018 et de Béoumi à l’approche de la Présidentielle 2020.
Dans les années 1990, le PDCI d’Henri Konan Bédié, qui vient à nouveau d’enfourcher le cheval de bataille identitaire en jetant son dévolu sur la chefferie baoulé, avait fabriqué la notion d’ivoirité pour tenter d’évincer un adversaire politique provoquant de ce fait une fracture communautaire dans le pays.
Le FPI de Laurent Gbagbo qui avait, dans le sillage de ce PDCI, travesti l’anticolonialisme en ethno-colonialisme et fabriqué l’idéologie nationalitaire du « village et de l’autochtonie » pour s’emparer du pouvoir en 2000 vient, à nouveau, de jeter son dévolu sur la communauté Wê et les charniers de cette région du pays qui furent la conséquence de son national-populisme guerrier et meurtrier.
Imitant ces prédécesseurs qui sont ses modèles, Soro Guillaume, le chef du RACI qui vient de vient de se convertir à l’ethno-nationalisme, s’est replié sur la communauté Djimina-Djamana et tente d’instrumentaliser l’identité ethnique de certains peuple du Nord en les mettant au service de ses ambitions personnelles de pouvoir.
Au FPI de Laurent Gbagbo, au PDCI d’Henri Konan, au RACI de Soro Guillaume, l’opposition ou la participation politique semblent se conjuguer sur le mode des stratégies opportunistes de captation patrimonialiste du pouvoir.
Renvoyé dans l’opposition par les urnes en décembre 2010, Laurent Gbagbo en a refusé le résultat, s’est muré dans le boycott électoral et n’est récemment revenu dans le jeu politique qu’alléché par le pouvoir d'Etat qu'il escompte capturer lors de la Présidentielle de 2020. Membres de la coalition RHDP et parties prenantes consentantes du programme d’intégration nationale du gouvernement, Henri Konan Bédié et Soro Guillaume s’en sont dissociés pour enfourcher le cheval de bataille de l’ethno-nationalisme désintégrant.
La revendication identitaire et le populisme tiennent donc bel et bien lieu de discours et de programme opportuniste de combat politique de type patrimonialiste et anti-démocratique au PDCI d’Henri Konan Bédié au FPI de Laurent et Simone Gbagbo, au RACI de Soro Guillaume.
Confrontés depuis les élections municipales d’Octobre 2018 à la perspective d’une défaite électorale inéluctable à la présidentielle 2020, ces acteurs politiques semblent avoir choisi la stratégie de la stigmatisation populiste du gouvernement qui consiste à le désigner comme ennemi d’une communauté d’autochtone menacée par une invasion d’étrangers. La menace de cette défaite inéluctable semble les avoir conduits à adopter une politique de la terre brûlée.
L’adoption entêtée de cette stratégie politiquement suicidaire de pyromanie que le peuple ivoirien récuse et rejette, comme l’on peut en juger au regard du résultat des urnes depuis 2010, soulève donc des questions relatives aux capacités et aux aptitudes politiques des dirigeants du PDCI, du FPI et du RACI.
Cet entêtement suicidaire pose des questions sur leur sens de l’Etat, de la responsabilité politique, de l’intérêt général et du Bien commun.
Il est permis d’induire, de cet entêtement suicidaire et de cette pyromanie compulsionnelle, que ces acteurs sont indifférents à la problématique d’intégration nationale de la cité, aux réponses politiques partisanes qui doivent permettre de relever le défi du développement et de l’émancipation des peuples d’Afrique dans le cadre d’une économie désormais irréductiblement globalisée.
Ces carences rédhibitoires permettent de douter de la capacité des chefs du PDCI, du FPI et du RACI à incarner, sur le court et le long terme, une alternative politique en Côte d’Ivoire.
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