DIBI Kouadio Augustin
Professeur titulaire de Philosophie
Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody-Abidjan.
Le deuxième tour des élections présidentielles aura lieu dans quelques jours. Nous ne pourrons l’accueillir utilement et sereinement que dans la conscience d’une vérité élémentaire : 2 fait suite, de toute nécessité, à 1 comme le lieu de son enfantement, absolument incontournable. L’oubli de cette vérité a pour conséquence une marche qui n’est que piétinement, errance et ensablement de soi dans l’obscur, faute d’attention et de fidélité à ce qui, sans aucune voix, dans le moment premier, est venu nous faire signe pour se retirer et nous observer.
Celui qui a des yeux pour voir et qui sait, en toute humilité, s’abandonner à l’évidence ne peut-il pas saisir qu’est hautement significative et symbolique la position du Premier Ministre Allassane OUATTARA, entre les deux autres candidats, les Présidents GBAGBO et BÉDIÉ ? Pareille position ne relève nullement du hasard. Qui le penserait doit lire le mot d’EINSTEIN : « Le hasard est le nom qu’emprunte Dieu, quand il veut rester anonyme. »
Le Premier Ministre Allassane OUATTARA se situe à un lieu médian : il est là, au milieu, en cet espace absolu de la médiation où les choses germent dans le silence avant que de s’offrir à la lumière du jour. Il est là, au milieu, en ce lieu de rassemblement du divers de la chose publique, où le pain est proposé pour être simplement rompu et partagé. Il est là, au milieu, comme la pierre rejetée par les bâtisseurs, devenue la pierre angulaire, à l’image de MARIE MADELEINE, de BARTIMÉE, de ZACHÉE, de toutes ces personnes que nous excluons loin de notre horizon, dans l’exil de l’indifférence et de la haine, et que la Providence recouvre de son manteau.
Chacun de nous ne connaît-il pas le passage des Écritures Saintes où il est écrit que « la pierre dont les maçons ne voulaient pas est maintenant la pierre principale, la pierre de l’angle »[1] ? L’angle a un côté horizontal et un côté vertical. De la sorte, il est un point de rencontre ; il est ce qui, de la discrétion de sa présence et du rien apparent de son poids, supporte la pression de la construction, afin qu’elle ne s’écroule pas. Pour souligner combien est devenu destinale la pierre d’abord rejetée, le psaume cité ajoute ce qui suit : « Cela vient du Seigneur. Pour nous, c’est une merveille. » Commentant ce passage des Écritures, le Christ lui-même souligne qu’il importe que le Royaume de Dieu soit « donné à un peuple qui produira les fruits propres à ce Royaume » et que « celui qui tombera sur cette pierre s’y brisera. »[2]
Telles que se dessinent les choses pendant ces élections, présidentielles, comment ne pas sentir que la bienveillance amicale du destin nous fait subtilement signe ? Comment ne pas reconnaître que le Premier Ministre Allassane OUATTARA, cet homme que l’on a traité de tous les noms, qui a tout enduré dans le silence de son cœur, dont on a même osé profaner le corps de sa mère, appartient à cette classe assez rare d’êtres que la Providence sait protéger et mettre en réserve pour les temps de détresse ? Comment ne pas confesser que sa seule présence inspire confiance, ainsi que toute personne de bonne foi a pu, au moins, le constater lors de son passage à la télévision pour répondre aux questions des journalistes, avant que ne nous soit offerte la prestation du candidat de la majorité présidentielle ? Ceux qui ont appris à voir autrement qu’avec les yeux du corps remarqueront aisément qu’en cet homme, se marient, d’adéquate façon, noblesse et compétence, élégance et intelligence, courtoisie et vie.
N’est-ce pas d’un tel homme qu’a besoin la Côte d’Ivoire pour qu’elle puisse, à nouveau, se tenir debout ? Debout, notre pays pourra offrir à sa jeunesse les perspectives d’un élargissement de sa conscience. La jeunesse saluera alors le mérite et l’excellence comme ce qui honore l’homme, en se détournant des mouches de la place publique devenues des modèles de vie. Debout, la Côte d’Ivoire pourra avoir une Université renouant avec sa vocation à l’universalité, soucieuse de la noblesse infinie du savoir, où les étudiants apprennent à manier le stylo, non la machette, où l’on souhaite bonsoir à un patriotisme instinctif fait de la bouillie du cœur, oubliant que la république, communauté des hommes raisonnables, est, avant tout, une façon de se tenir dans l’ouvert, en cherchant tout simplement à devenir ami de l’homme, quel qu’il soit.
La jeunesse n’est-elle pas le lieu des rêves et des idéaux fertilisant l’avenir, afin que demain soit meilleur et plus beau qu’aujourd’hui ? Elle a besoin d’être nourrie de ce qui l’aidera à lever la tête pour savoir qu’il existe une hauteur où il convient de prendre sa mesure. Elle a besoin d’être tirée vers l’avant, dans une gracieuse aimantation. Il n’est pas sain de la réduire à une masse désœuvrée, utilisée seulement pour coller des affiches et faire circuler des messages de haine s’emplissant hideusement d’une sous-culture, du genre : « Un mauvais frère vaut mieux qu’un étranger » ! La jeunesse doit savoir que les repas que l’homme prend dans les régions inférieures du bas-monde font de lui la proie d’entités ténébreuses.
Lorsqu’un responsable d’une formation politique peut dire, sur les ondes d’une radio internationale, que nous allons montrer à Allassane OUATTRA que la Côte d’Ivoire a un propriétaire, en la personne de Laurent GBAGBO, comment, tout simplement, ne pas souligner que notre pays est à plaindre de s’être laissé, pendant dix ans, gouverner par des individus l’ayant pris en otage, pensant que c’est leur chose, alors que, par leurs propos, ils révèlent, d’eux-mêmes, qu’ils cherchent encore à tâtons la porte de leur propre maison, qu’il faut leur servir du lait, non une nourriture consistante, car ils ne la pourraient supporter !
Le moment n’est-il pas venu d’ouvrir vraiment les yeux, de « dormir, la lune dans un œil, et le soleil dans l’autre », pour parler comme Paul ELUARD ? Sur ce point, n’importe-t-il pas de saluer, de la manière la plus convenable, la hauteur et la noblesse d’âme du Président BÉDIÉ, ayant appelé le Rassemblement des Houphouétistes à voter, au second tour, le Premier Ministre Allassane OUATTARA ? Le vendredi et le dimanche, dans les mosquées et les églises, les fidèles ne cessent d’entendre que l’esprit est vivant, qu’il a une réalité. Le RHDP, qu’est-il, sinon l’esprit du Président HOUPHOUET venu se saisir de ceux qui se reconnaissent en lui, afin que ce qu’il a semé soit sauvegardé et porté plus loin ? Je le vois, de la fenêtre de l’éternité, sortir la tête pour dire OUI ; il sort la tête pour nous rappeler qu’en bon architecte, il avait posé les fondations de la maison, qu’elles sont déjà là, que chacun doit prendre garde à la manière dont il bâtit[3], que son œuvre a seulement besoin d’être consolidée, poussée vers l’avant afin d’être la maison de l’universel soucieuse d’offrir une demeure à la veuve, à l’orphelin, à l’étranger et à toute faiblesse.
Le Rassemblement des Houphouétistes est conscient d’un héritage à sauvegarder, d’un pays devant retrouver la sève qui l’a toujours entretenu pour lui assurer vitalité et verticalité, afin de pouvoir à nouveau briller en myriades de scintillations. N’importe-t-il pas que chacun saisisse la portée infinie de ce Rassemblement ? Les élections du 28 novembre 2010 n’opposent pas, avant tout, deux personnes considérées en leur singularité respective, mais des principes. La manipulation est malheureusement telle que l’on ne parle même pas de principes, d’idées, mais que l’on croit que c’est une excellence de voir partout l’étranger, d’insulter un adversaire politique ! Il est temps de comprendre que la politique n’est pas sans éthique.
Le Professeur Francis WODIÉ ne vient-il pas de nous le montrer en quittant la présidence de son parti, le P.I.T ? Ce grand juriste est aussi philosophe. Lecteur d’Emmanuel KANT à qui il a consacré des travaux, il sait que la politique ne saurait être simple calcul et marchandage de nos intérêts, jeu instantané de nos instincts, loin de tout horizon moral, de toute honnêteté. Il pense que la Côte d’Ivoire peut et doit être gouvernée autrement qu’elle ne l’est actuellement. En sa conscience, retentit le mot de KANT : « La politique dit :"ayez la prudence des serpents" ; la morale ajoute (à titre de condition restrictive) : "et la simplicité des colombes". »[4] Ces deux choses doivent, selon notre philosophe, pouvoir se concilier en un seul commandement pour éviter le conflit entre la morale et la politique.
Saint AUGUSTIN disait que Dieu nous crée sans nous, mais Il ne nous sauve pas sans nous. Les élections du 28 novembre 2010 n’interpellent-elles pas nos consciences, au plus intime de nous-mêmes ? Elles nous invitent à comprendre ce que signifie, proprement, le mot "crise" : moment singulier, où doit se décider un chemin. La Providence ne peut descendre pour nous parler. Elle nous a fait déjà grandement signe, à sa manière. Elle est certaine qu’elle a mis en nous et hors de nous, suffisamment ce qu’il faut pour lire ses volontés, et accueillir ce jour qui vient, non pas terne et morne comme les autres, mais radieux, irradiant à l’image d’un axe de diamant.
DIBI Kouadio Augustin
Professeur titulaire de Philosophie
Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody-Abidjan.
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