Ce n’est un secret pour personne. Le PDCI est divisé entre une aile démocratique et républicaine, houphouëtiste par conviction, et une aile ethno-nationaliste anti-houphouëtiste par position idéologique antilibérale (Cf. " La problématique du RHDP Parti-unifié en Côte d'Ivoire: l'analyse biaisée de Jean-Baptiste Placca". cedea.net, 22 avril 2018). Cette aile ethno-nationaliste tend à orienter vers l’extrémisme et à transformer en parti d’extrême droite anti-libéral le PDCI qui est parti libéral de centre-droit. Inspirée par la revendication identitaire et le refus de la diversité, cette dynamique centrifuge subvertit le nationalisme libéral originaire du PDCI-RDA. Ce nationalisme ouvert à l’Altérité fut à la fois la force motrice de l’Indépendance politique de la Côte d’Ivoire et de son architectonique nationale étant entendu que l’unité de notre pays est constituée par l’équilibrage de sa diversité sociologique.
Sont authentiquement houphouëtistes dans le PDCI, ceux qui se sont réappropriés cet esprit du nationalisme libéral qu’ils entendent rénover dans un libéralisme social progressiste de centre-droit au sein du RHDP parti-unifié. Sont par contre anti-houphouëtistes, ceux qui trahissent ce nationalisme libéral humaniste en le détournant vers le nationalisme antilibéral identitaire différentialiste. Ils attentent à l’esprit de Félix Houphouët-Boigny et fétichisent sa personne pour camoufler le parricide. Ce parricide est un crime perpétré contre l’esprit de la Côte d’Ivoire. Il s’est historiquement traduit par la déstabilisation du pays et par la guerre civile.
Dans les 1990, la faction ethno-nationaliste qui incarne, au sein du PDCI, cette trahison perpétrée contre l’esprit de l’houphouëtisme fut l’instigatrice et l’actrice majeure de la dérive identitaire qui conduisit à la division interne du PDCI-RDA. Elle contribua à l’enracinement du national-populisme qui assura dans le pays, la victoire du bien nommé Front populaire ivoirien (FPI) et la rupture subséquente de la République. La résilience de cette faction identitaire du PDCI fut toujours une pointe empoisonnée dans le flanc du front républicain RHDP dès sa création. Ouvertement centrée sur les thématiques de l’autochtonie, la dissidence de cette faction à l’élection présidentielle 2015, les tentatives d’alliance qu’elle entreprit avec le parti national-populiste ivoirien (FPI) attestèrent de sa résilience.
Cette dissidence de 2015 démontra que ce courant n’avait en rien renoncé au programme du nationalisme identitaire qui avait divisé et fracturé le pays. Entre cette faction du PDCI et le Front populaire ivoirien appuyé par ses satellites dans un « Front du refus » à la dénomination signifiante, un axe identitaire et national-populiste s’était dessiné et affirmé durant la Présidentielle de 2015. Ouvertement antilibérale et modulée sur les thématiques de la revendication identitaire, de la préférence nationale et de lutte contre une invasion étrangère, la campagne électorale de cet axe fut centrée sur le refus du projet sociétal et du programme économique du RHDP.
Au sein du PDCI, il était avéré qu’un kyste ethno-nationaliste tentait de dévoyer le nationalisme libéral du Père de la Nation qui avait été l’âme vivante et le socle de la modernisation de la Côte d’Ivoire.
En 2011 le RHDP avait inscrit sa gouvernance dans la continuité de ce projet qu’il rénovait selon les impératifs des temps nouveaux et portait plus loin dans le cadre de la démocratie républicaine pluraliste. Dès lors au sein du RHDP qui est, rappelons-le, un front républicain contre l’extrémisme de droite et de gauche, l’alternance indiscriminée du pouvoir d’Etat au profit du PDCI n’allait pas de soi.
Telle est la raison pragmatique qui me semble avoir commandée la décision des parties prenantes du front républicain de garantir la continuité du projet houphouëtiste par un dispositif institutionnel pérenne afin de sauvegarder la démocratie républicaine ivoirienne.
Le RHDP parti unifié est un dispositif politique qui cautérise en Côte d’Ivoire la plaie identitaire et sauvegarde la continuité de la République de même que celle du projet sociétal houphouëtiste. Cette prévenance raisonnable ne traduirait aucun hubris du pouvoir d’une des parties-prenantes du front républicain.
Le cas ivoirien est spécifique. C’est un cas d’école. En face un gouvernement libéral souscrivant aux valeurs démocratiques d’égalité, de liberté, de dignité de la personne humaine se dresse une opposition anti-libérale qui, dans la majorité de ses composantes, récuse ces valeurs. Il importe de tenir compte de la spécificité sociologique du pays et de situer cette configuration politique dans le contexte de la montée mondiale des nationalismes différentialistes et du populisme. Une casuistique politique est alors requise. Elle oblige nécessairement à une appliquer une grille de lecture plus fine à la problématique de l’alternance du pouvoir en Côte d’Ivoire. Les dynamiques internes qui animent les choix des antis et des pros-parti unifié doivent être comprises relativement à la nature antinomique de leurs programmes et leurs projets sociétaux respectifs.
Conformément au principe démocratique du libre-choix des gouvernants par les gouvernés le dernier mot en revient au peuple ivoirien. Il faudrait cependant pour qu’il en soit ainsi que le peuple ivoirien puisse être éclairé par des débats programmatiques contradictoires. Force est de constater sur ce registre que ce débat qualitatif est inexistant. L’affrontement politique ivoirien demeure toujours aussi personnalisé.
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