Selon l’opposition ivoirienne, la Côte d’Ivoire se serait transformée en un enfer sous le gouvernement RHDP depuis 2011. Le pays vivrait sous la férule d’une dictature néo-colonialiste qui l’aurait livré à la mondialisation et au néo-libéralisme. Identifiant la situation actuelle de la Côte d’Ivoire à celle d’un pays envahi par des forces étrangères, certains acteurs politiques dans l’opposition, et même au gouvernement, mobilisent la solution nationaliste. Ils ont réactivé, à cette fin, les thématiques de la lutte de libération nationale contre une invasion étrangère. Etouffé, selon eux, par une domination étrangère devenue intolérable, le pays serait en ébullition et au bord de la révolte populaire.
La diffusion d’une image aussi calamiteuse du pays semble relever d’une tentative systématique de désinformation et d'intoxication psychologique des opinions publiques, un viol des masses par une propagande politique poursuivant un objectif déterminé dans la guerre de succession.
Cette manière de voir la Côte d’Ivoire recouvre-t-elle quelque vérité? Pour en évaluer l’objectivité, il faut s’en référer à la vision du monde et aux idéologies implicites des acteurs politiques qui la défendent.
Le récent débat public télévisé sur la problématique de l'unification du RHDP a permis d’appréhender la vision du monde des dissidents de la majorité présidentielle et de déterminer la nature de leur discours politique.
Ce débat a révélé que ces dissidents du RHDP ont une préférence affirmée pour les régimes de type autocratique, les dictatures populaires et communautaires. Ils réduisent l’affrontement politique à un combat pour la conquête de l’Etat et pour l’appropriation du pouvoir. La discussion télévisée a laissé voir que le modèle de l’Etat oligarchique est pour eux normatif, et que leur offre politique est réduite au nationalisme différentialiste antilibéral.
Rassemblée dans une coalition potentielle en vue de la présidentielle 2020, cette opposition antilibérale, dont le FPI est le maître d’œuvre et la figure de proue, tient le discours du repli identitaire et du national-populisme. Des éléments de langage sans équivoque affleurent, de temps à autre, dans ces discours à tonalité identitaire, tels ceux de madame Odette Lorougnon, une figure de proue du FPI. Ce programme nationalitaire est néanmoins camouflé sous une rhétorique démocratique qui apparaît, selon toutes les évidences, comme démagogique.
En Côte d’Ivoire, la configuration de lutte politique s’écarte donc de la norme. Elle est en contradiction avec la configuration attendue dans un régime de démocratie républicaine pluraliste. Elle ne met pas aux prises des forces politiques unies dans le consensus républicain et démocratique, nonobstant leurs antagonismes et leurs divergences. Le cas d’école ivoirien dessine un affrontement entre une majorité présidentielle d’obédience libérale se revendiquant des valeurs de la démocratie républicaine, et une opposition brandissant le programme du nationalisme identitaire et le modèle autocratique de l’Etat en qualité de projet alternatif.
Réduit au choix entre la démocratie libérale et le nationalisme antilibéral identitaire et populiste, l’équation politique ivoirienne pour la présidentielle 2020 se pose alors avec une clarté aveuglante.
Le modèle autocratique peut-il permettre de réaliser, en Côte d’Ivoire, un développement endogène, d’intégrer la diversité culturelle et sociale, de protéger les libertés? Le nationalisme identitaire et le populisme peuvent-il permettre de bâtir un système politique autonome permettant de marier efficacement l’exigence d’investissement et l’impératif de redistribution ? Le modèle étatique peut-il permettre de lutter contre les inégalités et l’injustice sociale?
On sait, par expérience, que le nationalisme identitaire et les dictatures populaires ne permettent jamais d’atteindre ces fins. L’histoire mondiale montre qu’en leurs diverses variantes, le nationalisme communautaire et le populisme ont toujours installé au pouvoir des oligarchies oppressives, brutales et corrompues. Ces solutions réactionnaires ont été démenties par l’histoire. La mise en œuvre du programme nationaliste et populiste, comme la Côte d’Ivoire en a fait l’expérience en 2000 et 2010, s’est traduite par la régression économique, la division sociale et la désintégration politique.
L’histoire montre, a contrario, que la solution au problème du développement endogène ne peut être attendue que de la démocratie républicaine pluraliste, qui en est la médiation nécessaire. La démocratie républicaine pluraliste permet de transformer l’économie de marché en développement endogène. Aux peuples qui réussissent à s’en approprier l’esprit, ce régime de liberté et d’égalité procure les valeurs et les instruments institutionnels permettant de réaliser l’émancipation individuelle et collective.
Il s’agit alors, pour l’électorat ivoirien, d’opter pour la démocratie républicaine pluraliste contre le nationalisme identitaire et l’étatisme. L’enjeu électoral est d'accorder la majorité du vote aux responsables politiques ivoiriens qui l’incarnent, défendent ses valeurs et s’inscrivent dans son programme. Il est de maintenir dans la minorité électorale les défenseurs de l'anti-démocratie, les contempteurs de l'altérité et les ennemis de la fraternité, les adeptes du repli identitaire et les populistes, les démagogues et les imposteurs. Cet objectif impose d’identifier clairement les fondamentaux de la démocratie républicaine pluraliste pour garder le cap de cet enjeu. (A suivre)
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