Le succès de la résistance institutionnelle et judiciaire de l’Amérique, contre le populisme identitaire et contre les pulsions autocratiques de Donald Trump, peut être considéré comme un message adressé aux démocraties du monde entier. Il peut être considéré comme un clin d’œil aux démocrates et aux républicains des nouvelles démocraties africaines menacées par le populisme identitaire et par la dérive autocratique courante de l’exécutif. L’accumulation symbolique des revers subis par le populisme identitaire aux Etats-Unis est une invitation à construire, dans les démocraties, une Constitution qui sauvegarde les libertés personnelles et les droits fondamentaux. C’est un appel à renforcer l’autonomie des systèmes judiciaires, des institutions et des administrations. Contre le péril populiste et identitaire, c’est un appel à raffermir la conviction démocratique et le sentiment républicain des magistrats et des acteurs politiques.
La victoire électorale de cet anti-modèle politique aux Etats-Unis est une victoire à la Pyrrhus parce qu’elle s’est heurtée à l’obstacle infranchissable des contre-pouvoirs démocratiques. Elle a fait ressortir la force de la démocratie libérale et en a révélé les vertus. La solidité des institutions de la démocratie américaine et la conviction démocratique et républicaine des magistrats qui en ont la charge, ont permis de démasquer le populisme identitaire comme colossal imposture. Ils ont, aux yeux du monde, révélé sa faiblesse et son irrationalité intrinsèque symbolisées par la personnalité de Donald Trump. Depuis l’élection de Donald Trump qui fut un électrochoc et une interpellation dans les démocraties libérales, cet anti-modèle a en réalité amorcé son déclin politique sous les coups de boutoir du principe de réalité et les sanctions constitutionnelles infligées par les élus, les magistrats et les citoyens américains.
Marquée par le nouveau revers subi par la deuxième mouture du décret anti-immigration Trump, cette défaite insigne du populisme identitaire aux Etats-Unis, rappelle que la force émancipatrice de la démocratie se trouve dans l’indépendance du pouvoir judiciaire, dans la solidité et l’autonomie des institutions garantes de l’intérêt général, dans la conviction républicaine et démocratique des acteurs politiques et des citoyens.
Sous une autre perspective, la résistance judiciaire et institutionnelle efficace de l’Amérique, contre le populisme identitaire xénophobe et l’autoritarisme de Donald Trump, peut alors être interprétée comme un clin d’œil approbateur à l’Afrique qui mobilise, elle aussi, ces armes contre le danger autocratique national-populiste et identitaire.
Aux empiètements despotiques du pouvoir exécutif, nombre d’Etats démocratiques africains opposent la résistance judiciaire des magistrats. Au rouleau compresseur faussement irrésistible du nationalisme identitaire xénophobe et du populisme, ils opposent le patriotisme républicain et l’humanisme universaliste qui lui fait échec. En Côte d’Ivoire, à l’aube des années 2000, le juge ivoirien Epiphane Zoro Bi-Ballo récusa à partir de Constitution, la redéfinition identitaire de la nationalité par les ethno-nationalistes ivoiriens. Cette contestation républicaine fut un moment emblématique inaugural des actions de résistances démocratiques du pouvoir judiciaire africain contre le populisme identitaire. Ces exemples locaux, attestent de l’ancrage des valeurs éthiques et juridiques de la république et de la démocratie libérale dans une partie non négligeable des magistrats, des acteurs politiques, de l’intelligentsia et des peuples africains.
En Afrique du Sud, le retrait de la CPI arbitrairement décidé par le gouvernement ANC de Jacob Zuma, qui utilise le nationalisme identitaire pour protéger sa dérive autocratique, a été jugé inconstitutionnel par un juge de la Haute-cour de Pretoria saisi par l’opposition Sud-africaine. (Cf. Le retrait de la l’Afrique du sud de la CPI jugé inconstitutionnel. Voir http://www.lemonde.fr/afrique/article2017/02/22). Au Kenya, la Haute cour de justice a déclaré illégale, nulle et non avenue, la décision du gouvernement de fermer le camp de réfugiés de Dadaab et d’en expulser les résidents vers leurs pays d’origine (http://www.la-croix.com/Monde/Afrique/La-justice-kenyane-interdit-fermeture-camp-Dadaab-2017-02-09-)1200823670.
Ces décisions judiciaires salutaires ont été rendues subjectivement possibles par la conviction démocratique des magistrats sud-africains et kenyans, par leur volonté délibérée de maintenir l’autonomie du système judiciaire contre les empiètements du pouvoir exécutif. La défense du Droit contre l’arbitraire gouvernemental a été rendue objectivement possible par les garde-fous constitutionnels républicains et démocratiques qui ne furent ni manipulés ni abrogés, par des hommes politiques durant les réformes constitutionnelles. Ces exemples africains auraient dû être mis en exergue et abondamment relayés, commentés et mis en relation avec la résistance judiciaire américaine aux velléités autocratiques et ethno-nationalistes de Donald Trump et de son gouvernement.
La force de la démocratie américaine réside dans l’indépendance réelle du pouvoir judiciaire par rapport à l’exécutif, dans l’autonomie des institutions et de l’administration, dans la nature républicaine et démocratique de la Constitution, dans la conviction démocratique personnelle de la majorité des acteurs politiques et des citoyens américains. Le progrès de la démocratie sur le continent africain dépendra également des avancées réalisées sur ces quatre registres.
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