Après la sanction mémorable que les électeurs sud-africains ont infligée à l’ANC dans les urnes, les analystes pensent que, pour s’éviter un nouveau recul électoral et pour retrouver sa suprématie, ce parti pourrait être tenté d’écourter, avant terme, le règne de Jacob Zuma. "Jacob Zuma doit achever son mandat dans trois ans, mais le parti pourrait être tenté d’écourter son règne pour s’éviter un recul encore plus grave dans les urnes aux élections générales de 2019."note Jeune Afrique.
Cette solution, si elle était effectivement adoptée, serait le choix emblématique de la Nomenklatura d’un mouvement de libération qui s’est installé après Nelson Mandela dans le statut d’un parti dominant animé par une culture autocratique. Ce serait le choix caractéristique d’un parti anti-démocratique qui a réduit la démocratie à sa dimension exclusivement formelle, qui considère le pouvoir d’État sud-africain comme son patrimoine, et escompte en jouir ad-vitam æternam en consommant indument son capital historique de mouvement de libération de la majorité Noire contre la minorité Blanche dominante. Ce serait le choix significatif d’un parti national-communautaire qui pense être le dépositaire exclusif du pouvoir d’État. Ce serait le choix d’un parti autocratique qui estime être au-dessus du devoir démocratique de reddition des comptes devant le peuple.
Finalement, ce choix caricatural de l’ANC dans le cadre de la démocratie sud-africaine, traduirait le comportement emblématique de bon nombre de mouvements de libération africains qui conquirent le pouvoir d’Etat et l’Indépendance grâce au soutien des peuples qu’ils trahirent en devenant des dictatures et des pouvoirs oppresseurs. Cette fuite en avant exprimerait le comportement emblématique du plus grand nombre de nos élites politiques africaines qui, encore de nos jours, continuent d’accaparer le pouvoir d’Etat pour le confisquer, transforment la démocratie escomptée en partitocratie concrète, utilisent le pouvoir contre leurs peuples.
Si cette solution était adoptée, ce choix significatif de la mauvaise solution pour sortir le parti de l'ornière dans lequel il s'est fourré, montrerait que l'ANC post-Mandela, à l’image de nombreux partis politiques africains, est en retard d'une révolution morale et mentale.
Est-ce le règne de Jacob Zuma qui doit être écourté, pour que l'ANC retrouve son aura morale et sa suprématie politique, ou la culture de prédation, la mentalité oligarchique et clanique des dirigeants de l'ANC post-Mandela qui doivent être définitivement révoquées?
Jacob Zuma n'est que l'incarnation vivante de cette culture prédatrice et de cette mentalité oligarchique. C'est donc à un aggiornamento politique, intellectuel et moral que l'ANC doit se livrer pour se libérer de sa propre avidité et de sa servitude interne, maux bien plus redoutables que celle du pouvoir brutal raciste blanc qu’il avait réussi à abattre grâce à la droiture morale et intellectuelle de Nelson Mandela. La tentative envisagée par le parti au lendemain de cette défaite mémorable de révoquer la personne excentrique de Jacob Zuma, au lieu de remettre en question l'esprit malfaisant que ce dernier incarna dans le parti, montre que l'ANC post-Mandela n'a rien compris.
La défaite politique de l'ANC de Jacob Zuma est le rejet public de cet esprit malfaisant que tous les dirigeants de l'ANC partagent en commun à des degrés divers. Le peuple sud-africain n'a pas rejeté massivement une personne. Il a massivement rejeté l'esprit de prédation, d'avidité et d'irresponsabilité incarné par l'ANC post-Mandela. On pourrait en dire autant du parti de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire qui demeure d'ailleurs très proche du parti de Jacob Zuma. La dénonciation du comportement schizophrénique de l’ANC post-Mandela est aussi adressée au FPI de Laurent Gbagbo qui, de manière somnambulique, s’évertue à réclamer le Pouvoir d’Etat pour une personne ayant incarné à la tête de l’Etat ivoirien, l’esprit malfaisant qui transforme tout parti politique en épouvantail public.
Pour retrouver sa crédibilité perdue du fait de sa faillite morale et de son errance politique, un parti doit se régénérer politiquement et moralement en se remettant profondément en question, en soumettant ses actions, ses pratiques, ses représentations et ses valeurs à une autocritique ouverte sans complaisance. Cette autocritique doit être entreprise sous le regard normatif des valeurs de la République et de la Démocratie. La rénovation politique d’un Parti ne passe pas exclusivement par la réforme de ses structures matérielles, par le déplacement ou la révocation de ses dirigeants dans un jeu de chaise musicale destiné à sauver les apparences. Elle passe par la révolution de sa mentalité et de sa culture.
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